Les techniques de veille comme boussoles face aux errances de l’information

La pluralité et la justesse de l’information délivrée aux opinions publiques par certaines chaînes de la TNT fait débat.

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Veille marketing : vendre, mais surtout défendre la marque !

Pluriels, les contours de la veille marketing sont bien plus larges que la simple surveillance des textes règlementaires ou des faits et gestes de la concurrence. À l’heure des réseaux sociaux et des influenceurs, cette veille peut se résumer à la défense de la marque.

Ne nous fions pas seulement aux définitions théoriques. Pour nombre d’observateurs, la veille marketing a pour finalité de disposer de la bonne information au bon moment, ceci afin de mieux se distinguer de la concurrence. Cette veille commerciale relève d’un processus de collecte, de traitement, d’analyse et de diffusion des informations sur l’ensemble des domaines et parties prenantes impactant les ventes. Dans certains cas, elle est même réduite à de la veille règlementaire… Mais quelles réalités recouvre-t-elle exactement ?


Veille concurrentielle et veille des partenaires / fournisseurs

En pratique, la veille marketing est un champ qui se révèle très large, pour ne pas dire riche. Pour une organisation, l’idée de base consiste à se faire une idée la plus complète possible de son environnement de marché. Cela passe par différents types de veille.

L’une des premières est concurrentielle. Qui sont mes concurrents, et de quelle manière évoluent-ils ? Sur ce point, il est central de se procurer des données financières, mais également d’arriver à capter les mouvements de type rachat, fusion et autres rapprochements. Attention aux sources primaires ! Il est important de veiller d’abord et avant tout les sites Internet de la concurrence, d’analyser les mises à jour, les présentations qui sont faites des produits ou des services. Ces sites sont d’excellentes sources d’information. Ils permettent de voir de quelle manière la concurrence se présente et se vend. Il convient par ailleurs de jeter un regard appuyé et analytique à la presse généraliste (pour les grands comptes), à la presse spécialisée ou encore aux forums de discussion.

Cette veille concurrentielle est à articuler avec une surveillance tout aussi rigoureuse des partenaires et des fournisseurs. C’est le second type de veille à déployer. Il permet de voir si les structures avec lesquelles l’organisation à laquelle on appartient a les reins solides. De quelle manière ces partenaires et fournisseurs se situent-ils vis-à-vis de leur propre concurrence ? Comment interagissent-ils entre eux ? Quels sont les éventuels nouveaux entrants ?


Tendances, usages et règlementaire : savoir anticiper

Une fois ces éléments intégrés, il est important que la veille marketing se concentre sur les tendances du marché, ses dynamiques, ses freins. L’objectif est ici opérationnel : il s’agit d’aider les équipes commerciales à bien se situer en tant que promoteurs des produits et services de l’organisation, et ainsi d’augmenter les résultats. Sur ce point, deux éléments sont à surveiller de plus près : les innovations tout d’abord, avec ce qu’elles génèrent de disruption ; les demandes des clients ensuite, qui sont bien sûr centrales et permettent de mieux anticiper certains mouvements. L’intérêt de cette veille s’est particulièrement vu lorsque les plateformes de location (LOA, LLD) sont apparues sur le marché de l’automobile. Une telle évolution des usages est venue d’une tendance sociétale : après avoir longtemps opté pour la propriété privée de leur véhicule, les automobilistes ont commencé à se tourner vers la location – notamment parce que celle-ci permet de bénéficier de voitures plus récentes. Ceux qui ont su voir cela avant les autres ont été les grands gagnants…

Le quatrième élément sur lequel il convient bien sûr d’insister est la partie règlementaire. Il est important de maîtriser cet environnement, qui peut avoir un fort impact sur les secteurs. Là encore, la notion d’anticipation est décisive. Une fois que les documents sont publiés au Journal Officiel, il est déjà trop tard pour de nombreuses organisations devant opérer des changements majeurs dans leur stratégie…


Réseaux sociaux, influenceurs… Savoir écouter ses clients

Le cinquième et dernier paramètre qu’il est important de prendre en considération a récemment pris une ampleur renouvelée, notamment en raison de la massification des médias numériques : il vise essentiellement à veiller les clients. Quels feedbacks partagent-ils ? Quelle est la teneur des avis publiés sur les plateformes ? La température sur les réseaux sociaux ? Cette voix du client est primordiale, et oblige également à veiller les influenceurs, qui à travers leurs blogs ainsi que leurs vlogs sont en capacité de générer des inflexions d’opinions.

En 2023, il est très important qu’une organisation sache maîtriser cette communication particulière et émergente, ne serait-ce que pour ajuster la stratégie de l’entreprise. Un tel savoir-faire permet de gérer des signaux faibles, voire des crises en voie d’émergence. Il permet aussi de rassurer, d’apporter des réponses au client, de montrer à chacun que l’on est en capacité d’entendre, d’écouter, voire de prendre en considération ses avis comme ses suggestions. Il permet encore de s’appuyer sur certains influenceurs qui, une fois identifiés, pourront devenir d’importants vecteurs pour la marque de l’organisation.

Au regard de ces nombreux points, on comprend mieux pourquoi la veille marketing est stratégiquement primordiale. Ce travail relève, in fine, d’une action de défense de la marque de l’entreprise. Les équipes marketing du XXIe siècle ne sont pas seulement là pour vendre : leur raison d’être ultime est la protection de leur dirigeant ainsi que de leur marque. Soulignons que cette dimension n’a pas toujours été intégrée dans les grandes sociétés, et certaines ont pu en pâtir. Elle fait de la veille une action pleinement stratégique.

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Parvenir à la « bonne information » grâce aux « hommes métiers »

Infobésité, fausses nouvelles, approximations… L’information s’apparente à un dédale au sein duquel les organisations doivent nécessairement se repérer afin d’assurer leur pilotage opérationnel. Un véritable défi pour leurs veilleurs, qui s’appuient de plus en plus sur l’expertise interne d’« hommes métiers ».

Les fake news en roue libre : depuis deux ans, les « fausses informations » ont envahi encore un peu plus nos espaces économiques, sociaux, politiques et bien sûr médiatiques. Elles ont, nous l’avons constaté, joué à plein pendant la pandémie de COVID. Elles ont également perturbé certains pays, de l’Angleterre du Brexit à la charge contre le Capitole aux Etats-Unis. Elles ont également touché de nombreuses entreprises, que ce soit en termes de réputation ou de pilotage stratégique.


Séparer le grain de l’ivraie 

Selon une étude Viavoice parue en 2021, une majeure partie des collaborateurs d’entreprises reconnaissent véhiculer incidemment des fake news. 20% des personnes interrogées (et 32% des 18-24 ans) avouent faire confiance à des informations parues sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Pour près de 9 personnes interrogées sur 10, les rumeurs ainsi que les fausses informations ont un impact sur l’entreprise.

Mais les fake news, au sens réputationnel du terme, ne sont pas les seules à venir perturber l’espace professionnel occupé par les organisations publiques et privées. Des informations grossières, datées, mal collectées sont également à la base de décisions stratégiques approximatives. Dans de nombreux cas, les sources sur lesquelles s’appuient les collaborateurs, mais aussi les veilleurs, sont à réinterroger régulièrement. Il convient ici de savoir jauger de la pertinence de l’émetteur d’une information. Qui est-il ? Quels liens entretient-il avec le sujet traité ? Quels intérêts potentiels a-t-il à soutenir une théorie plutôt qu’une autre ? Il convient également d’accorder une attention spécifique aux petits indices : date de l’article rédigé, style et qualité de la nouvelle… Il faut encore croiser les informations, effectuer en cas de doute des recherches sur des sources additionnelles, écarter les sites à caractère commercial, accorder du crédit aux sites institutionnels, mobiliser son raisonnement pratique… L’objectif ultime étant de définir et de parvenir à isoler ce que l’on appelle la « bonne information », celle qui ne peut être remise en cause dans ses fondements.


Des « hommes métiers » responsabilisés en interne

Précisément, comment parvenir à ce graal que représente la « bonne information » ? Certes, l’action du veilleur telle que décrite ci-dessus se révèle importante afin de demeurer sur le chemin le plus droit possible. Mais il faut aussi conserver à l’esprit que la structuration de la démarche de veille joue un rôle majeur. Pour cela, il convient de s’appuyer en permanence sur les « hommes métier ». Car c’est bel et bien le métier qui va permettre de conduire à la bonne information. C’est le métier qui conduira à se poser les bonnes questions, à traiter les bons enjeux. C’est encore le métier qui mènera aux éléments de langage, l’objectif ultime consistant à limiter au maximum tout « bruit », c’est-à-dire toute information inutile et superflue. En restant ainsi au cœur du métier, l’on demeure sur un chemin de crête et l’on évite l’écueil de la recherche dans le vide, énormément chronophage et synonyme de perte de temps. 

Actuellement, de plus en plus d’organisations structurent leur démarche de veille à partir de ces « hommes métier », ceux qui se trouvent au plus près du terrain. Dans certains cas, tout particulièrement au sein des grands groupes nationaux des secteurs de la banque et de l’énergie, les cellules de veille passent des contrats internes avec des professionnels. Objectif : que ces derniers assurent une mission de surveillance (d’un produit par exemple) ou encore de benchmark. Ces correspondants réalisent des remontées d’informations régulières d’autant plus pertinentes qu’elles émanent précisément de spécialistes internes.

Confrontées à l’infobésité ainsi qu’aux fausses nouvelles, les organisations privées et publiques vont de plus en plus au-delà d’une méthode d’analyse de la fake news. Certaines décentralisent leur approche en responsabilisant les différentes parties prenantes de l’entreprise. Dès lors, c’est toute l’organisation qui participe de la veille, et qui se porte garante de la « bonne information », seule à même d’assurer un pilotage stratégique efficace.

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La veille : un enseignement de plus en plus présent à l’université

Alors que, les procédures d’orientation battent leur plein, nous observons que la veille stratégique et concurrentielle est de plus en plus intégrée au sein des enseignements universitaires. Qu’il s’agisse de masters spécialisés ou de formations plus générales, cette compétence est en voie d’être reconnue comme étant un prérequis dans le monde professionnel. L’objectif demeurant que les étudiants trouvent  leur place sur le marché du travail.

Il n’est pas toujours aisé de définir de manière synthétique et complète ce que recouvrent exactement les termes de veille stratégique ou concurrentielle. Dans l’ensemble, les définitions auxquelles nous avons affaire sont assez – voire trop – générales. Le plus souvent, la veille renvoie à une action de collecte permanente d’informations sur les avancées ainsi que sur les orientations stratégiques de la concurrence en matière de produits, de techniques de production, de modalités de commercialisation, voire de marketing et de communication. En réalité, la veille relève d’un processus multiforme, voire protéiforme, qui a connu des évolutions notables ces dernières années. Pour s’en convaincre, il suffit de se tourner vers la manière dont cette veille est enseignée dans certaines formations universitaires de troisième cycle.


L’irruption de la e-réputation comme rupture

À l’université de Lille, le Master 2 SID (Sciences de l’Information et du Document) fait la part belle à l’information stratégique, placée au cœur de l’enseignement. Dirigé par Stéphane Chaudiron, professeur des universités en sciences de l’Information et de la Communication, ce M2 lie de manière très nette les métiers de l’information (pour ne pas dire de la documentation) et les métiers de la communication. Lorsque l’on interroge Stéphane Chaudiron sur les évolutions récentes que la veille a connues, celui-ci évoque spontanément l’irruption de la e-réputation. « C’est bien sûr aux réseaux sociaux que l’on doit la nécessité de surveiller au jour le jour l’information qui circule dans les médias », explique-t-il. « C’est à partir de 2009, avec l’apparition de Twitter sur la scène professionnelle, que les journalistes ont commencé à utiliser ce nouveau vecteur comme une source d’information. Avec le Web 2.0, tout le monde est, en effet, devenu producteur d’information, avec des effets désormais bien connus sur le fait que ces contenus ne sont pas maîtrisés. »


À chaque type de veille son outil

Face à une telle profusion d’informations dont les sources sont plurielles, les outils de veille se révèlent majeurs. Sur ce point, Stéphane Chaudiron utilise dans ses cours une plateforme de veille professionnelle, qui nécessite de la technicité ainsi qu’un investissement financier dédié. « Il est important pour moi que les étudiants sachent se lancer dans un processus de veille complet, profond, détaillé. Je n’oublie pas pour autant les outils disponibles en open source, voire des outils qui vont permettre de veiller via des sources prédéfinies, sur lesquelles le veilleur n’aura certes pas la main. Celles-ci auront le mérite de répondre aux demandes de certaines organisations dans lesquelles nos étudiants sont appelés à évoluer dans leur parcours professionnel. Nous souhaitons que les apprenants sachent que la veille se décline de manière très différente selon que l’on se situe à la SNCF, chez Total ou dans une salle de rédaction », poursuit Stéphane Chaudiron.

En l’espèce, les sources veillées comme les filtres constituent des enjeux majeurs, de même que la capacité des étudiants à rédiger des synthèses. Pour Stéphane Chaudiron, cette question rédactionnelle, liée à l’analyse et au livrable, est importante : présenter les signaux forts et faibles, mobiliser des graphiques ad hoc… Les compétences du veilleur demeurent plus que jamais liées à sa capacité intrinsèque à réaliser des analyses, en se détachant le plus possible de la technique et de l’outil.


Une exploitation fine de l’information dans les organisations

Cette affirmation vaut également pour le Master 2 en Intelligence Économique et Gestion du Développement International de l’Université de Strasbourg, où la veille relève un peu plus d’un moyen que d’une fin. Selon Ophélie Olivier-Garnier, responsable pédagogique de ce M2 et qui a longtemps œuvré auprès des PME avant de prendre en charge un projet européen, la veille constitue une technique nécessaire à l’ensemble des étudiants. « Ces derniers viennent de filières disparates et ne sont pas toujours convaincus de l’utilité d’effectuer des actions de veille à l’aide d’une méthodologie et d’outils définis : c’est pour cette raison que je leur propose d’effectuer leur recherche de stage en mettant en place une action de veille. Les résultats qu’ils obtiennent grâce à cette méthode et à une plateforme spécifique achèvent de les convaincre de l’importance d’une telle démarche ! », explique-t-elle.

D’autant que la filière internationale de cette formation implique une exploitation fine de l’information à l’échelle mondialisée, avec un objectif de conquête de nouveaux marchés. « L’information est un outil, et nous estimons que la démarche de veille est importante même si elle n’est pas la finalité même de notre master », poursuit Ophélie Olivier-Garnier. « Nous expliquons ici que la veille est au service des enjeux de stratégie de l’entreprise, qu’elle permet de mesurer une influence et qu’elle repose sur des outils professionnels. Pendant quelques années, nous avions une plateforme de veille dont le rendu n’était pas satisfaisant. Celui que nous utilisons désormais est plus efficace. Il comporte une partie de diffusion de l’information intéressante, avec des tableaux de bord et la possibilité de souligner et d’annoter les textes. Une vraie solution qualitative. »

Au sein du monde universitaire, de nombreuses formations intègrent ainsi la veille dans les enseignements prodigués, tout particulièrement au sein des Master. Nombre d’enseignants-chercheurs affinent année après année leurs contenus pédagogiques avec pour objectif de préparer au mieux les étudiants à entrer dans la vie active. Que ces derniers se destinent à un travail de veille strict ou qu’ils soient amenés à jouer un rôle plus général au cœur des organisations, il est de plus en plus acquis que le maniement de l’information fait partie des compétences demandées sur le marché du travail. Un maniement qui nécessite une bonne connaissance des outils techniques de veille, les plus à mêmes de réaliser une action à la fois profonde, fine et ajustée.

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