Historiquement issue des professions de bibliothécaire, d’archiviste ou de documentaliste, le métier de veilleur s’inspire largement de leurs codes et de leurs méthodologies. Encore récemment cantonnée à l’inventaire et au classement de l’Information, la veille a pris son plein essor avec l’arrivée de l’informatique et des nouvelles technologies comme Internet. Aujourd’hui agrégée au concept plus global d’Intelligence économique, c’est un maillon à part entière de la chaîne stratégique d’une entreprise qui joue sans réserve son rôle de baromètre et de guide auprès des décideurs. Et à l’heure où nous parlons d’intelligence artificielle, d’algorithmes et d’automatisation, la veille continue de se transformer pour s’adapter aux nouveaux usages.
État des lieux et perspectives d’une expertise dans l’air du temps.
De vraies compétences nécessaires ?
Soyons honnête, la veille a encore du mal à s’affirmer comme un métier en tant que tel. N’avez-vous jamais remarqué comme ce terme était galvaudé ou minimisé ? La veille semblerait être une part acquise de la plupart des fonctions de managers. Elle serait résumée à de la “simple” prise d’information.
Il ne faut pas chercher bien loin pour se rendre compte. La veille est souvent mal appréciée à sa juste valeur. Prenons le dictionnaire par exemple, être “en veille” signifie être en pause, être à l’arrêt. Veiller, c’est un moment sans sommeil pendant le temps normalement destiné à dormir. Comme si ce temps devenait inutile, accessoire et improductif. Comme s’il s’agissait de se consacrer à la veille lors de moments d’accalmie. Ou encore en complément d’une charge de travail habituelle.
Alors redonnons toutes ses lettres de noblesse à cette expertise. La veille nécessite de multiples compétences, savoir-faire et expériences :
- Avoir une bonne organisation, pour s’y retrouver dans un ensemble de sources hétérogène,
- Être rigoureux, pour détecter la moindre information et ne pas passer à côté de “pépites”,
- Travailler en autonomie, pour savoir travailler en tout indépendance,
- Être polyvalent, pour pouvoir jongler entre de multiples tâches,
- Rester curieux, pour sortir de son périmètre ou du périmètre direct de l’entreprise ou de l’activité. Être toujours dans l’optique d’améliorer et d’enrichir sa veille,
- Savoir enquêter, pour détecter les signaux faibles pertinents,
- Maîtriser les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Être à l’aise avec les outils et les nouvelles sources d’information,
- Avoir un esprit de synthèse, pour extraire l’essentiel des informations récoltées,
- Avoir de réelles capacités rédactionnelles et de communication, pour pouvoir réaliser des livrables clairs et attirants,
- Être sociable, pour savoir travailler en transversalité avec tous les niveaux hiérarchiques,
- Avoir l’esprit collaboratif et le sens de l’écoute, pour animer son réseau de façon pédagogue.
Un rôle stratégique dans l’organisation
Cependant, il ne suffit pas de remplir ce cahier des charges pour se qualifier de veilleur. La veille est bien plus qu’une série de compétences. Elle fait de nos jours partie d’un ensemble d’activités coordonnées de collecte, de traitement, de diffusion et d’analyse de l’Information. A ce titre, le veilleur se doit de maîtriser l’ensemble des maillons de la chaîne et porte en lui la responsabilité de ce métier :
- Il répond à un besoin exprimé en termes de surveillance de marché, il met ainsi en œuvre tout ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés,
- Il recueille la bonne information, donc avoir la capacité de la sélectionner, c’est-à-dire opérer des choix, et peut-être renoncer à certaines données,
- Le veilleur anticipe, et détecte les menaces et opportunités liées à l’activité de l’organisation,
- Il traite et enrichit les contenus, qualifie l’Information et la classe de manière appropriée,
- Il extrait et diffuse la quintessence des sources surveillées, pour les restituer aux bonnes personnes,
- Le veilleur crée une dynamique, facilite la communication inter-services et l’émergence de nouvelles idées entre collaborateurs. Il favorise un contexte d’intelligence collective,
- Il participe activement aux prises de décision stratégiques de l’entreprise. De cette façon, il s’assure que celle-ci puisse agir de manière éclairée,
- Il incarne l’origine ou le point de départ de toute donnée au sein de la société, et à cet effet, il peut répondre aux demandes ponctuelles de recherche d’informations.
De ce fait, le veilleur a un rôle plus large et plus complexe que de la récolte d’informations brutes. Son aspiration est de permettre à l’entreprise de passer d’une logique de veille, à celle d’une logique d’Intelligence économique intégrant désormais une dimension d’influence sur son écosystème.
La veille : un métier de demain ?
Avec la massification des sources d’information, la temporalité instantanée de l’ensemble des moyens de communication, l’automatisation de plus en plus marquée des procédés, et l’avènement imminent d’une intelligence artificielle digne des plus grands films ; le processus de veille pourrait prochainement souffrir des évolutions en cours.
Sans pour autant prétendre détenir LA vérité, quelques signes laissent présager que le métier de veilleur saura tirer son épingle du jeu en incorporant une dimension encore plus globale et plus humaine :
- Dans la connaissance et l’implémentation de nouveaux outils ou de nouvelles technologies inhérentes au processus de veille ; et dans la gestion des prestataires et des partenaires qui y sont associés,
- Dans la qualification et caractérisation des sources, toujours plus nombreuses, plus dématérialisées et volatiles,
- A travers la remise en perspective et en contexte des informations collectées par des algorithmes pas toujours pertinents,
- Dans l’interprétation des résultats obtenus et le pilotage des décisions stratégiques, les occurrences mathématiques ne pourront pas substituer l’expertise humaine,
- Via la mise en relation, la constitution de réseaux et l’intégration à des communautés, où l’humain (re)devient la source principale de l’Information,
- Dans l’orchestration et le management des différentes fonctions incluant déjà la veille dans leurs actions.
Vous souhaitez en savoir plus ? Consultez notre article: Transformation digitale : ses impacts sur le métier de veilleur